Les limites de la légalité telle qu’invoquée par KS

j’ai fait un “edit” de l’article 80, tel que lu par KS – et j’ai souligné des passages importants, pour comprendre la limite de la “légalité” des décisions de KS selon cette lecture (qui est déjà elle même fortement discutable).



A mon humble avis, TOUT ce qui sort (trop) de ce cadre devient totalement illégal et pourra être annulé ultérieurement SAUF si KS décide de sortir définitivement de cette légalité, ce qui entérinera définitivement la notion de coup d’état et mettra la Tunisie “hors-la-loi” en terme de droit international.

Pour essayer de résumer cela :

  • ce qu’il décide DOIT garantir le retour DANS LES PLUS BRÈFS DÈLAIS aussi bien du parlement que du gouvernement
  • ce qu’il décide S’ANNULE dés la cessation du motif, par exemple, la décision de lever l’immunité parlementaire.

Actuellement, il ne peut décider qu’avec des décrets présidentiels, il ne peut pas faire de lois, etc … car il n’y pas de parlement qui puisse les valider. Et il y’a aussi d’autres contraintes juridiques qui l’empêche de faire ce qu’il veut (juridiquement parlant, politiquement, c’est autre chose)

TOUT ce qui sort d’une façon évidente de ce cadre est attaquable en justice, principalement devant le Tribunal Administratif et une 1ere plainte est même déjà en cours (affaire à suivre pour connaitre la position du TA sur tout cela, qui peut très rapidement se positionner en contre-pouvoir à cette “magistrature suprême” de KS )

Et pour continuer dans les pinaillages juridiques, il aurait été interessant de savoir sur quel péril imminent s’est basé KS. Mais ça, il a préféré ne pas le dire, probablement pour éviter ces pinaillages qui compliqueraient encore plus la situation et garder une marge de manoeuvre en ce qui concerne “la cessation du motif” de ce péril imminent.

Magistratus Extraordinarius (Éditorial)

La république romaine antique avait l’option de donner un “magistrat suprême”, cad les pleins pouvoirs, à une personne – aussi appelée “dictator” – pendant une période n’excédant pas 6 mois, pour affronter un péril imminent. Ce magistrat suprême du dictateur était aussi accompagné d’une “joblist” qui cadrait plus ou moins clairement les taches à accomplir, par exemple :

  • faire la guerre (rei gerundae causa)
  • organiser des élections (comitiorum habendorum causa)
  • conduire des procédures judiciaires (quaestionibus exercendis)
  • etc. etc.

Le sénat romain (oui, c’était un acte parlementaire) a désigné une bonne 30 aines de dictateurs pour régler diverses problèmes avant de donner, plusieurs fois de suite une dictature à Jules Cesar. Celui-ci, après sa 3eme dictature, grosse surprise (haha), réussi aussi à obtenir du sénat pour sa 4eme dictature une “dictature à vie” (et oui, cette histoire n’est pas vraiment nouvelle). Celle-ci ne dura pas trés longtemps, cad jusqu’aux fameuses “Ide de Mars” (en -44) ou Brutus lui a fait son affaire (depuis, les dictateurs sont devenus paranos, on peut les comprendre), rajoutant “tu quoque, fili mi” à la longues listes de belles citations que vous pouvez trouver sur le web ou en lisant Asterix.

Son successeur, son neveu Auguste (chercher l’origine du mot “népotisme”, juste pour rigoler), se dit “wow, c’est pratique d’être dictateur” et sauta sur l’occasion pour transformer la république romaine en Empire, dont l’empereur devint, grosse surprise aussi : Auguste lui même. Et celui-ci, bien sur, commença d’abord par zigouiller tout ceux qui c’était pas d’accord avec cette décision.

Bref : depuis, tous les systèmes démocratiques ne se sont plus amusés à faire ce genre de conneries pour régler des problèmes, même de périls imminents, et ont établis des contre-pouvoirs et des limites de temps claires quand il est nécessaire de donner plus de pouvoir à une personne.

Dans la constitution tunisienne de 2014, le “dictateur provisoire” est le PdG, qui peut demander au parlement d’être investit d’une “dictature light” pendant 3 mois. Et après 3 mois, c’est au parlement de valider ou invalider les décisions que ce “dictateur intérimaire” a prit. Fakhfakh l’a fait pour contrer la crise du covid et a “de jure” été notre dictateur d’avril à juin 2020.

Bref : une dictature, c’est certes une option pour contrer un péril imminent mais aussi un danger de perdre très rapidement toutes les libertés et les droits. Et, même les “dictateurs eclairés” comme César ou Bourguiba, si ils perdurent, ne font que préparer le terrain à un Auguste ou un Zaba, bref, pour tous ceux qui attendent dans l’ombre, comme Iznogoud, de pouvoir sauter sur l’occasion de devenir calife à la place du calife.

Voila pourquoi la question principale à laquelle doit répondre, très vite, notre “Magistrat Suprême” Kais Said : Quel est la durée de ce mandat qu’il s’est auto-octroyé, comment compte-il le rendre et à qui …